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L’Aigle avait ses petits
au haut d’un arbre creux,
La Laie au pied, la
Chatte entre les deux,
Et sans s’incommoder,
moyennant ce partage,
Mères et nourrissons
faisaient leur tripotage.
La Chatte détruisit par
sa fourbe l’accord ;
Elle grimpa chez l’Aigle,
et lui dit : “Notre mort
(Au moins de nos enfants,
car c’est tout un aux mères)
Ne tardera possible
guères.
Voyez-vous à nos pieds
fouir incessamment
Cette maudite Laie, et
creuser une mine ?
C’est pour déraciner le
chêne assurément,
Et de nos nourrissons
attirer la ruine :
L’arbre tombant, ils
seront dévorés ;
Qu’ils s’en tiennent pour
assurés.
S’il m’en restait un
seul, j’adoucirais ma plainte.” |
Au partir de ce lieu,
qu’elle remplit de crainte,
La perfide descend tout
droit
A l’endroit
Où la Laie étaient en
gésine.
“ Ma bonne amie et ma
voisine,
Lui dit-elle tout bas, je
vous donne un avis :
L’Aigle, si vous sortez,
fondra sur vos petits.
Obligez-moi de n’en rien
dire ;
Son courroux tomberait
sur moi. ”
Dans cette autre famille
ayant semé l’effroi,
La Chatte en son trou se
retire.
L’Aigle n’ose sortir, ni
pourvoir aux besoins
De ses petits ; la Laie
encore moins :
Sottes de ne pas voir que
le plus grand des soins
Ce doit être celui
d’éviter la famine.
A demeurer chez soi l’une
et l’autre s’obstine,
Pour secourir les siens
dedans l’occasion :
L’oiseau royal, en cas de
mine ;
La Laie, en cas
d’irruption. |
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La faim détruisit tout ;
il ne resta personne.
De la gent marcassine et
de la gente aiglonne
Qui n’allât de vie à
trépas :
Grand renfort pour
messieurs les Chats.
Que ne sait point ourdir
une langue traîtresse
Par sa pernicieuse
adresse !
Des malheurs qui sont
sortis
De la boîte de Pandore,
Celui qu’à meilleur droit
tout l’Univers abhorre,
C’est le fourbe, à mon
avis.
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Sources :
Texte : Fables de la Fontaine, illustré par Gustave Doré - Livre
troisième - Fable 6
Illustrations :
Willy Aractingi,
Gustave Doré
et
Jean‑Baptiste Oudry
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